mardi 14 octobre 2008

La théorie de la valeur: une illustration à travers le bois de feu, l'électricité, le gaz domestique et le pétrole lampant

La particularité du courant libéral est d’avoir introduit le concept de valeur d’un bien, qui doit être rattachée au travail (théorie objective de la valeur) selon SMITH (1776). Il fait la distinction entre la valeur d’usage (utilité ressentie par les individus) et la valeur d’échange. Cette idée est reprise par RICARDO (1817), pour qui la valeur d’un bien ne dépend pas seulement de la quantité de travail commandé, mais aussi de sa rareté, surtout pour les biens non reproductibles. Les sources d’énergie telles que l’électricité, le gaz domestique et le pétrole lampant peuvent être considérées comme des biens ayant de la valeur pour les ménages ruraux, de part leur rareté et leur non reproductibilité, contrairement au bois de feu et autres biomasse.

SAY (1803), apporte une vision plus large de la richesse (introduction des services) et considère que la valeur d’usage (capacité d’un bien à satisfaire des besoins) des biens est leur valeur réelle; la valeur d’échange ne représente que les prix. Selon lui, le prix n’est pas fonction du coût de production, mais varie selon ce que l’acheteur paie et/ou est prêt à acheter ; le prix va donc tendre à s’ajuster à la valeur d’usage dans un système libéral. Ainsi l’utilisation de l’électricité, du gaz domestique ou du pétrole lampant ne devra pas dépendre de leurs prix respectifs, mais plutôt de leur capacité à satisfaire les besoins des ménages (éclairage, cuisson, instruction, accroissement des revenus,…). Cette vision a conduit les néoclassiques à rejeter la théorie objective de la valeur, pour une approche subjective liée au comportement du consommateur. Ils introduisent le besoin (rôle du demandeur) et combinent à la valeur la rareté et l’utilité.

L’analyse de WALRAS (1874), consistait à une approche micro-économique et se plaçait au niveau des consommateurs, en parlant de valeur-utilité, car pour eux seule comptait leur satisfaction, le prix du bien dépendant de son degré d’utilité : si un bien (ou un service) est rare mais jugé très utile par les consommateurs, ceux-ci seront prêts à l’acquérir pour un prix élevé (électricité, gaz domestique et pétrole lampant, pour les ménages ruraux), mais ce degré d’utilité décroît au fur et à mesure que le degré de satisfaction du consommateur augmente. Parallèlement, le prix qu’un consommateur est prêt à payer baisse au fur et à mesure que son besoin est satisfait, ce qui signifie que plus un bien est produit en grandes quantités, ou quand un service est accessible au plus grand nombre, l’individu y attache de moins en moins d’importance, et il est de moins en moins prêt à payer le prix fort. Ce constat est observé en milieu rural, où les ménages sont de moins en moins prêts à payer un prix élevé pour le bois de feu, et en milieu urbain où ils sont de moins en moins prêts à payer un prix élevé pour l’électricité, le gaz domestique ou le pétrole lampant.

Pour MARSHALL (1890), le prix d’un bien dépend du coût des facteurs de production et de la valeur que le consommateur est prêt à lui accorder. Il a introduit la notion de temps dans l’analyse des mécanismes économiques : sur le court terme, l’utilité l’emporte dans le phénomène de fixation du prix, par la recherche de l’équilibre entre l’offre et la demande, lequel s’établit à un prix qui exprime la valeur-utilité. Sur le long terme, les coûts de production deviennent déterminants, car l’entreprise est obligée d’en tenir compte, et un prix d’équilibre qui se situe entre ce que le marché est prêt à payer au maximum et le prix auquel l’entreprise doit vendre son produit au minimum, va correspondre au prix naturel tel qu’il a été défini par les économistes classiques en se fondant sur la valeur-travail. Selon cette approche, le prix d’une source d’énergie (bois de feu, électricité, gaz domestique ou pétrole lampant), ne dépendra pas seulement du coût des facteurs de production, mais aussi de la valeur que chaque ménage accorde à chacune de ces sources.

samedi 4 octobre 2008

Le passage de la SONEL à L’AES-SONEL

Vers la privatisation de la SONEL

C’est à partir du 1er juin 1995 que l’Etat camerounais à décider se désengager des entreprises de services publics, à savoir : la SNEC, la CAMTEL et la SONEL. La décision de privatiser cette dernière est intervenue en octobre 1999. Les raisons de cette décision sont surtout liées à la structure financière de l’entreprise, et aux insuffisances observées au niveau des investissements et de la tarification.

Au plan financier, l’analyse des bilans a permis de constater que la situation financière de l’entreprise s’est considérablement dégradée depuis 1994, si bien que celle-ci était incapable d’honorer ses dettes (près de 21 milliards de FCFA de dettes échues et impayées). Cette dégradation de la situation financière s’explique par :
- Un contexte économique défavorable (dévaluation, hausse des prix des combustibles, tarifs préférentiels pour certaines sociétés) ;
- Des niveaux de tarifs quasiment inchangés depuis dix ans malgré la dévaluation du FCFA, résultant en une diminution des tarifs constants qui à ce jour sont relativement bas ;
- Des investissements d’électrification rurale importants pour les quels la SONEL ne reçoit pas de subvention de l’Etat : ces investissements étaient estimés par l’AFD à 7 milliards de FCFA en 1996/1997 ;
- Un taux de facturation faible (pertes techniques et non techniques) : le rendement de distribution (rapport entre l’énergie distribuée et l’énergie facturée) est estimé à 70% ;
- Un taux de recouvrement faible, en particulier auprès des communes et des administrations : En 1996, le taux de recouvrement des créances hors abonnés publiques et haute tension était estimé à 76%. Au 30 juin 1997, les créances communes étaient estimées à près de 6,2 milliards de FCFA, les créances Etat à près de 7,3 milliards de FCFA, les créances SNEC et CRTV à près de 4 milliards et 1 milliard de FCFA respectivement.

Dans le but d’améliorer cette situation financière, il s’est imposé une restructuration de l’entreprise. Les principaux éléments de cette restructuration étaient : une augmentation du capital, le remboursement des arriérés et un rééchelonnement de la dette. Il s’est aussi imposé une amélioration de la gestion, en particulier du rendement de distribution, du taux de recouvrement et d’une augmentation des tarifs.

Les insuffisances de la SONEL ont été le plus observées au niveau des investissements et au niveau des tarifs appliqués à la clientèle.

Les retards d’investissements accumulés dans le secteur de l’électricité ont été la cause des insuffisances des moyens de production. En effet, depuis 1981, année de mise en service de la centrale de Song Loulou, le secteur n’a plus bénéficié des équipements de production viables dans son réseau interconnecté Sud. Ce qui correspond à deux décennies sans investissement véritable dans un secteur aussi stratégique.

Il était donc impératif pour la SONEL de procéder à des investissements de réhabilitation et de renouvellement estimés environ à 45 milliards de FCFA pour le barrage d’Edéa et 30 milliards de FCFA pour le barrage de Song Loulou

Une autre insuffisance majeure de la SONEL s’est faite ressentir au niveau de la gestion de sa clientèle. L’analyse comparative des tarifs montre que de 1978/1979 à 1987/1988, les tarifs appliqués au client ALUCAM ont augmenté de 10,75% par an, tandis que les charges de production hydraulique ont cru à un rythme annuel de 22,79%. Par ailleurs, cette société consomme plus de 52% de la production en 1987/1988, mais ne génère que 10% des recettes de la SONEL.

Durant l’exercice 1987/1988, le coût moyen de production de la SONEL à Edéa était de l’ordre de 12FCFA, mais le prix moyen du kWh offert à ALUCAM était de 3,96FCFA. En 1997, le prix moyen du kWh offert à cette dernière était de 6,5FCFA. Il s’en suit donc que les clients basse tension subventionnent ALUCAM ; ce qui ne permettait pas d’équilibrer les finances de la SONEL, étant donné que cette dernière consomme plus de la moitié de la production totale.

Toutes ces défaillances ont conduit à la privatisation de la SONEL, mais la question qui s’est posée était de savoir s’il fallait la privatiser par augmentation du capital ou par vente d’actions détenues par l’Etat. La première solution a donc été choisie.

La SONEL après la privatisation

Dans le but de remplir le cahier de charges, l’AES-SONEL devra respecter le principe de non-discrimination dans ses rapports avec tous ses clients et ses fournisseurs d’énergie. Elle pourra prévoir des tarifs, ou des conditions de service différents pour des catégories différentes de fournisseurs ou de clients, à la condition de :
i) Définir de manière objective les catégories concernées sur la base notamment des critères suivants : puissance souscrite par l’abonné, tension sous laquelle l’énergie électrique est fournie, modes d’utilisations de ladite puissance au cours de l’année, conditions du raccordement de l’abonné et conditions économiques du marché pertinent.
ii) Rendre publique par tout moyen approprié et de tenir à la disposition de toute personne en faisant la demande, la liste des catégories définies et des différentes conditions tarifaires ou de service qu’elle opère entre ces catégories.

En outre, la société limitera la fréquence et la durée des interruptions de service éventuelles à ce qui est strictement nécessaire à la maintenance de ses installations et au maintien de la sécurité des personnes et des biens. Elle devra aussi assurer la protection de ses actifs, ainsi que de ceux dont elle aura la jouissance ; l’entretien de ses installations et de celles mises à sa disposition, la conduite de ses travaux ou interventions et plus généralement l’exploitation des parties du secteur de l’électricité dont elle est chargée.

L’AES-SONEL est aussi tenue de remettre en état, et à ses frais, toute voie de communication affectée par les travaux effectués dans le cadre de ses activités. Elle est également tenue de rétablir et d’assurer à ses frais le libre écoulement des eaux naturelles ou artificielles dont le cours serait modifié par les travaux, à l’exception des eaux qui seront stockées dans les ouvrages de retenue ou de production hydroélectrique.

Afin que l’objectif d’amélioration de la qualité du service fourni soit atteint, il est recommandé à l’AES-SONEL de respecter les standards de qualité du courant électrique, ainsi que toutes normes en vigueur sur le territoire national. La société réalisera un effort continu en vue de faire bénéficier le secteur de l’électricité de progrès techniques permettant de limiter le coût des prestations ou d’en améliorer la qualité, et contribuera aussi à l’électrification des zones non desservies.

Par ailleurs, l’entreprise exploitera les parties du secteur de l’électricité dont elle a la charge, dans le respect des règles régissant la protection de l’environnement ; s’efforcera tout particulièrement de se conformer aux règles, directives et recommandations relatives à la protection de l’environnement résultant des conventions internationales auxquelles l’État est partie, ou des standards internationaux en vigueur.
Les principales innovations sont constituées de la configuration de la clientèle et de la nouvelle grille tarifaire. Cette nouvelle configuration a été appliquée aux consommateurs en basse tension et en moyenne tension.

Les consommateurs la catégorie basse tension sont segmentés selon trois types d’usages : usage domestique (UD), lorsque l’électricité est utilisée à des fins exclusivement domestiques (éclairage, électro-ménager, etc) ; usage professionnel (UP), lorsque l’électricité est utilisée exclusivement pour des activités commerciales, artisanales, et de service, toutes branches confondues (pharmacie, moulin à écraser, restaurant, débits de boissons, …), ou lorsque les activités ci-dessus sont couplées aux usages domestiques. Le troisième type d’usage est l’éclairage public (EP), qui est utilisé exclusivement par les communes, de 18h30 à 6h00, dans le cadre de l’éclairage des voies publiques.

Les consommateurs de la catégorie moyenne tension sont segmentés en deux sous groupes : les abonnés du régime général (RG) et les abonnés du régime des zones et points francs industriels (RZPFI). Ce sont les industries extractives, manufacturières, de bâtiments et travaux publics, d’eau et d’électricité.
Les objectifs poursuivis par cette nouvelle grille tarifaire sont:
i) L’efficacité économique à travers la structure et le niveau des coûts ;
ii) L’accroissement des recettes de l’entreprise, compatibles avec les augmentations contractuelles pour financer le développement du secteur et assurer la rentabilité de l’entreprise ;
iii) La rationalisation du comportement énergétique des consommateurs.
Avant la privatisation, la structure des tarifs était complexe : 24 prix étaient appliqués en moyenne tension; en basse tension, les prix dépendaient déjà des usages.
L’innovation dans cette nouvelle grille tarifaire est l’introduction de la saisonnalité : une saison sèche (1er janvier au 30 juin) et une Saison humide (1er juillet au 31 décembre)
La basse tension
Avant la privatisation de la SONEL, les prix de vente dans cette catégorie étaient de 50FCFA pour une consommation inférieure ou égale à 90 kWh et 58,15FCFA au-delà des 90kWh. La segmentation des consommateurs telle que présentée ci-dessus a conduit aux différentes grilles ci-après.

Usage domestique
La grille tarifaire pour ces consommateurs est la suivante :

Ce tableau présente trois types de tarifs : un tarif social pour des consommations inférieures à 50kWh ; un tarif modéré pour les consommations comprises entre 51 et 200kWh et un tarif normal pour des consommations supérieures à 200kWh.

Usage professionnel
Le tarif appliqué à ce segment se compose de deux termes : un terme fixe appelé prime fixe mensuelle et un terme proportionnel au niveau de consommation et de la durée d’utilisation de la puissance souscrite. La grille tarifaire est la suivante :

Ce tableau indique que le terme fixe est de 2000FCFA, et que le prix de vente est fonction de la puissance souscrite par l’abonné et de sa consommation mensuelle. Le montant total de la prime fixe mensuelle à payer est proportionnel à la puissance souscrite lors de l’abonnement ; si celle-ci est de 2,2 kVA (kilo Volt Ampère), ce montant sera de 4400 FCFA (2000*2,2).

Eclairage public


On constate que les prix de vente de l’électricité aux communes sont de 40FCFA en saison humide et 46,5FCFA en saison sèche.


La moyenne tension
Les abonnés de cette catégorie étaient répartis par tranche horaire et par période avant la privatisation. Après la privatisation, les grilles tarifaires correspondant aux deux segments définis ci-dessus sont les suivantes :




Ces tableaux montrent que les tranches horaires et les termes fixes sont les mêmes dans les deux segments. Par ailleurs, les tarifs varient dépendamment de la période de la journée : heures de pointe (de 18h à 23h) et hors pointe (de 23h à 6h).

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L'analyse du bien-être appliquée au secteur de l'électricité au Cameroun

Les principaux critères d'analyse sont: le critère de Pareto et du critère de compensation (VARIAN, 1995).

Selon le critère de Pareto, on dit qu’une allocation X’ domine au sens de Pareto une allocation X, si tout le monde préfère X’ à X. Dans ce cas, on peut affirmer sans contestation que X’ est ‘‘meilleure’’ que X et que tout projet permettant de passer de X à X’ doit être entrepris. Cependant, les projets unanimement préférés sont rares ; en général, certains individus préfèrent X à X’ et d’autres X’ à X, ce qui pose le problème du choix d’un projet socialement optimal.

Illustrons cette situation en considérant que la privatisation est un projet devant être entrepris (passage de l’état X à l’état X’). Le cas de la SONEL laissait penser que certains préféraient que l’entreprise soit privatisée afin d’améliorer son efficacité, et d’autres pas (ceux qui accordaient la priorité à l’optimum social). Ceci montre en effet que le choix opéré n’était pas susceptible d’améliorer la situation de tous les consommateurs. Selon ce critère, un projet permettant de passer de l’état X à l’état X’ est efficace au sens de Pareto s’il n’est pas possible d’accroître le niveau de satisfaction d’un individu sans réduire celui d’un autre.

Le critère de compensation propose le test suivant : l’état X’ est potentiellement préféré à l’état X au sens de Pareto s’il existe un moyen de ré-allouer l’état X’ de sorte que tout le monde préfère cet état à l’état initial X. Autrement dit, l’état X’ est potentiellement préféré à l’état X au sens de Pareto s’il existe un nouvel état X’’, tel que la somme des gains des individus dans ce nouvel état soit supérieure à la somme des gains de tous les individus dans l’état X’ ; c’est à dire que l’état X’’ est une ré-allocation de l’état X telle que l’état X’’ soit préféré à l’état X pour tous les individus. Le critère de compensation requiert donc que l’état X’’ soit une amélioration potentielle de l’état X au sens de Pareto.

Pour illustrer cette situation dans le cas de la SONEL, supposons qu’un individu soit ‘‘gagnant’’ lorsqu’il préfère la privatisation de l’entreprise (passage de l’état X à l’état X’), et ‘‘perdant’’ dans le cas contraire (préférence pour l’état X). La décision de privatiser est meilleure selon ce critère, si les gagnants peuvent dédommager les perdants ; c’est à dire si les gains tirés par les uns compensent les pertes subies par les autres. Si c’est le cas, le changement sera acceptable pour tout le monde.

Les théorèmes du bien-être et leurs implications

Le premier théorème stipule que tous les équilibres de marché sont efficaces au sens de Pareto. Autrement dit, une allocation d’équilibre réalisée grâce à un ensemble de marchés concurrentiels est nécessairement efficace au sens de Pareto.

Deux hypothèses sont à la base du premier théorème : l’absence d’externalités de consommation et le comportement concurrentiel des agents. D’après ce théorème, si chaque agent s’efforce de maximiser son utilité personnelle, un marché engendrera une allocation qui réalise l’efficacité au sens de Pareto.

En situation de monopole comme à l’AES-SONEL, la première hypothèse est vérifiée dans la mesure où tout consommateur ne se préoccupe que de sa propre consommation, mais la deuxième l’est partiellement. En effet, chaque individu veut maximiser son utilité personnelle en utilisant l’électricité de façon optimale et au moindre coût, mais le prix du marché contraint chacun à limiter sa demande. On peut donc constater que les marchés concurrentiels constituent un système particulier qui présente l’avantage de réaliser une allocation efficace au sens de Pareto.

Le second théorème stipule qu’il existe toujours un ensemble de prix tel que toute allocation efficace au sens de Pareto soit un équilibre de marché pour les dotations initiales adéquates, à condition que les préférences des agents soient convexes.

Ce théorème montre que les prix jouent deux rôles dans un de marché : un rôle distributif et un rôle allocatif. Le rôle distributif consiste à déterminer quelles quantités des différents biens les agents peuvent acheter. Le rôle allocatif des prix consiste à indiquer la rareté relative des biens. Ce rôle a été mis en évidence après la privatisation de la SONEL : la hausse des prix de l’électricité était un indicateur de rareté devant permettre une gestion rationnelle de l’énergie par les consommateurs.

Mon Mémoire de DEA
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