mardi 16 septembre 2008

Efficacité du secteur de l'électricité et bien-être social au Cameroun


1. Introduction

La réforme intervenue au Cameroun à partir des années quatre vingt dix trouve son origine dans l’insuccès des expériences ayant conduit à faire des entreprises publiques la clé de voûte du système économique (TAMBA, 1996). Dans le cadre de cette réforme, le gouvernement a entrepris de rationaliser la gestion des entreprises du secteur public et parapublic à travers la restructuration de certaines, la liquidation et la privatisation d’autres (MINEFI, 1995).

Le recours au secteur privé, à partir de la privatisation des entreprises publiques se justifie dans un sens, par le lien introduit par LEIBENSTEIN (1978), entre l’inefficience-X et l’entreprise publique ; et dans un autre, par le transfert des droits de propriété qui confère une supériorité de gestion de l’entreprise privée (ALCHIAN, 1965 et DEMSETZ, 1967). Le message qui est véhiculé par ces auteurs est qu’un individu contrôle l’intégralité de ses droits dans une structure privée, contrairement à une structure publique. Cette idée est reprise par SCHMIDT (1991), qui établit le lien entre la nature d’une entreprise et son niveau d’investissement. Il aboutit à la conclusion selon laquelle l’incitation à investir est plus grande dans le secteur privé que dans le secteur public, du fait que l’opérateur contrôle l’entreprise dans son intégralité. (lire les fondements théoriques de politiques des privatisations)

Afin de répondre à la question de l’efficacité du secteur de l’électricité et du bien-être social au Cameroun, l’on précisera en premier lieu le problème de ce secteur, puis les éléments méthodologiques devant permettre de mesurer la variation de bien-être social et enfin les résultats de cette mesure.

2. Le problème
Au Cameroun, la fourniture de l’électricité était assurée jusqu’en 2001 par la Société Nationale d’Electricité du Cameroun (SONEL), qui a été créée en 1974 par la fusion des sociétés Energie Electrique du Cameroun (ENELCAM) et Electricité du Cameroun (EDC). Sa mission était de produire, transporter et distribuer l’énergie électrique. Ces trois segments ont connu une nette évolution depuis la création de la société.

En ce qui concerne la production, elle est passée de 1312GWh en 1975 à 2417GWh en 1988, puis à 3536GWh en 2001. Ceci grâce à l’augmentation de la puissance installée qui est passée de 316MW à 757MW, puis à 843,5MW, respectivement sur ces trois périodes. Sur le segment du transport, la SONEL exploitait jusqu’en 1994, 480km de lignes 225kV, 100km de lignes 110kV, 1064km de lignes 90kV. En 2001, la longueur des lignes 110kV est passée à 337km, les autres sont restées inchangées. Le segment de la distribution quant à lui comprenait en 1988, 7928km de lignes répartis de la manière suivante : 3864km de lignes moyenne tension à 33, 30, 15, 10, et 5,5kV ; 4064km de lignes de basse tension et 3299 postes de transformation. Les aménagements effectués dans ce segment ont conduit à l’augmentation des lignes et des postes de transformation. L’on a recensé environ 19033km de lignes et 6444 postes en 2001.

Bien que ces équipements permettent d’assurer un service minimum, deux problèmes majeurs ont cependant été observés. Le premier est lié à la structure financière de l’entreprise qui s’est dégradée à partir de 1994, si bien qu’au cours de l’exercice 1996/1997, les impayés de l’Etat et des communes s’élevaient à 13534 millions de FCFA. Les impayés auprès des bailleurs de fonds étaient de 26587 millions de FCFA au 30 juin 1997, et la dette vis-à-vis des fournisseurs était de 11095 millions de FCFA à la même date. La trésorerie qui était de 1546 millions de FCFA au 30 juin 1996 est passée à 205 millions de FCFA au 30 juin 1997.

Le deuxième problème est lié aux tarifs appliqués aux différents consommateurs et à l’insuffisance d’investissement. L’on a constaté d’une part que les clients des catégories basse tension et moyenne tension subventionnaient ceux de la catégorie haute tension et principalement le client ALUCAM, qui consomme près de 52% de la production totale d’électricité. D’autre part, l’on a remarqué que le taux de croissance de la demande est supérieur au taux de croissance de la puissance installée, et donc de la production. Ce qui est à l’origine des délestages. Ceci traduit un problème d’efficacité dans l’activité de l’entreprise qui peut être dû au sous investissement. Dans le secteur de l’électricité au Cameroun, l’inefficacité est révélée lorsque les pertes d’énergies dans le réseau et les énergies non fournies (intensités des délestages) augmentent avec le temps.

Ces problèmes ont fortement affecté l’entreprise et la solution choisie par le gouvernement a été de la privatiser. Cette décision est intervenue en octobre 1999 et a été effective le 18 juillet 2001, l’Etat ayant permis qu’un partenaire prenne une participation majoritaire dans le capital de la société. Elle est donc devenue AES-SONEL et est toujours chargée de produire, transporter et distribuer l’électricité sur le territoire national.

Les principaux objectifs de cette privatisation étaient axés sur l’amélioration de l’efficacité dans la production, le transport et la distribution de l’énergie électrique, ainsi qu’à la qualité du service fourni. La privatisation de la SONEL doit permettre de lever les financements indispensables pour la réalisation des investissements nécessaires au développement du secteur de l’électricité (plus de 900 milliards de FCFA sur 20 ans), afin de bénéficier de l’expertise professionnelle d’opérateurs de réputation mondiale. Elle devra ensuite permettre de fournir l’électricité à un prix compétitif aux industries et à la population camerounaise pour soutenir la croissance et améliorer la compétitivité globale de l’économie.

Le passage de la SONEL à l’AES-SONEL a ainsi traduit le passage d’un monopole public à un monopole privé. Cette situation est l’une des sources d’inefficience, car la rente recherchée par l’entreprise ne la conduira pas à fixer son prix au niveau du coût marginal comme cela est le cas en situation de concurrence. Ce qui pourrait automatiquement avoir un impact sur le bien-être des consommateurs et pourrait justifier l’importance de la réglementation des entreprises en situation de monopole (CARLTON et PERLOFF, 1998). La réglementation peut être définie comme le pouvoir de l’Etat à contrôler l’activité économique, notamment lorsqu’il y a la présence de monopoles, d’externalités, d’asymétries d’information ou lorsqu’un bien est public (LEVEQUE, 1998).

Les études menées par certains auteurs sur la privatisation font ressortir son lien avec la réglementation (VICKERS et YARROW, 1988 ; DONAHUE, 1989 et TRINH, 1997). VICKERS et YARROW (1988) étudient la privatisation en Grande Bretagne, et remarquent qu’elle peut difficilement être envisagée sans la réglementation. Ils concluent entre autres que la privatisation est optimale quand les entreprises évoluent dans des marchés concurrentiels. Cependant, si une entreprise détient un pouvoir de monopole, la privatisation devrait s’accompagner de la réglementation afin que le bien-être social soit garantit. Il serait donc important d’étudier les conséquences de la réglementation sur le bien-être social lorsqu’une entreprise privatisée est réglementée.

La réglementation du secteur de l’électricité au Cameroun est assurée par l’Agence de Régulation (ARSEL) qui a été créée suivant la loi N° 98-022 du 24 décembre 1998. Le but principal de la mise en place de cette agence est de favoriser l’accroissement des investissements, afin d’améliorer l’efficacité du secteur et de garantir le bien-être social.

L’objectif de ce papier est de mesurer la variation de bien-être social consécutive à l’efficacité du secteur de l’électricité au Cameroun. Pour cela, l’on appréciera en premier lieu l’effet de la privatisation sur l’efficacité du secteur de l’électricité et en second lieu, l’on évaluera l’impact de la réglementation du secteur de l’électricité sur le bien-être social au Cameroun.

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